Franco, cette
momie qui habite l’Espagne
Le tribunal
suprême doit se prononcer sur l’exhumation des restes du dictateur, qui
reposent encore dans le Valle de los Caidos, un monument à la gloire du
franquisme.
CATHY DOS SANTOS
Temps forts
« Il s’est
instauré un modèle d’impunité pénale pour les assassins et les tortionnaires
franquistes.»
ARTURO PEINADO
PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION D’ÉTAT DES FORUMS POUR LA MÉMOIRE
Ils se sont dit
oui devant la momie. Les nostalgiques du franquisme ne sont pas les seuls à se
recueillir de- vant la dépouille de Francisco Franco entreposée dans la
basilique nichée au cœur du Valle de los Caidos (la vallée de ceux qui sont
tombés). Certains se marient même dans cet immense mo- nument, pourtant symbole
d’une dictature que l’Espagne n’est toujours pas parvenue à solder, quatre
décennies après le retour de la démocratie. La croix gigantesque, haute de 150
mètres, qui surplombe un monastère bénédictin et le lieu de culte creusé à même
la colline de la Sierra de Guadarrama, est encore visible depuis l’autoroute,
au nord-ouest de Madrid. Sa construction dictée sur ordre du sa- trape a débuté
au lendemain de la guerre (1936-1939). Pierre après pierre, des mil- liers de
prisonniers politiques réduits en esclavage ont bâti ce complexe dont l’unique
ambition était de sacrer le na- tional-catholicisme qui a écrasé la deu- xième
République espagnole. Comble du cynisme, les sépultures de José Antonio Primo
de Rivera, le fondateur de la Pha- lange, et de Franco, après sa mort en 1975,
sont entreposées aux côtés de milliers d’Espagnols torturés, assassinés, jetés
dans des fosses communes puis récupé- rés pour être enterrés aux côtés de leur
bourreau. Plus de 33 000 républicains mais également « martyrs et héros de la
croisade » initiée par les nationalistes en 1936 s’enchevêtrent en ce sinistre
endroit, toujours en activité et entretenu grâce à l’argent du contribuable.
Fait impensable ailleurs, mais en Espagne, on le croirait presque intouchable.
Depuis 2004, les différents gouvernements socialistes ont cherché à s’y
attaquer. En vain. Le pré- sident de l’exécutif sortant, Pedro Sanchez, a fait
de l’exhumation du dictateur et de la transformation du « Valle » en un lieu de
mémoire l’une de ses mesures phares. Mais là encore, non sans mal.
« Récupérer la
mémoire historique des antifascistes »
C’est le 24
septembre que le Tribunal suprême doit rendre sa réponse définitive quant au
transfert ou non des restes du tyran, après des années d’atermoiements et de
polémiques révélatrices du non-tra- vail mémoriel quant aux trente-neuf années
de règne du général. En juin, la justice avait décidé de surseoir de manière
« préventive » à
sa décision afin d’« étu- dier » un recours déposé par la famille de Franco,
ainsi que trois autres entités (la fondation Francisco Franco, la communauté
bénédictine de Cuelgamuros et l’association de défense du Valle de los Caidos).
« Lamentable », estime Arturo Peinado, président de la Fédération d’État des
forums pour la mémoire, une orga- nisation créée en 2004 « avec pour objec- tif
de récupérer la mémoire historique des antifascistes qui ont lutté pour la
République et pour en finir définitivement avec l’impunité des crimes
franquistes ». « Cette décision est d’autant plus lamentable, in- siste-t-il,
que durant des lustres les tri- bunaux espagnols n’ont rien dit sur les
victimes du franquisme. Au contraire, ils ont mis des entraves aux droits de
leurs familles, ainsi qu’au travail que nous avons entrepris. Comment est-il
possible que la famille de Franco soit capable de paralyser un tel processus? Ces gens-là ont des équipes d’avocats grâce à une fortune
qu’ils ont spoliée aux Espagnols durant la dic- tature. » À ses yeux,
l’exhumation de Franco « est une question vitale pour la démocratie espagnole
». « C’est une épreuve de force. Qui commande en Espagne ? Les avocats de la
famille de Franco qui par- viennent à paralyser les tribunaux ou le gouvernement
et le Parlement ? », ques- tionne Arturo Peinado. Le 24 août 2018, l’exécutif a
adopté un décret stipulant que la dépouille de Franco devait être exhumée avant
la fin de cette même an- née. Dans la foulée, en septembre, c’est le Congrès
des députés qui se prononçait en ce sens par 172 voix pour, 2 contre et 164
absentions du Parti populaire (conser- vateurs) et de Ciudadanos (ultralibéraux).
Transférer la
dépouille du Caudillo, mais où ?
Mais les
héritiers du dictateur se sont em- ployés à faire trébucher ce projet vieux de
quinze ans. Ce sont eux encore qui, en cas d’exhumation, pourraient décider du
pro- chain lieu où sera enterré le Caudillo. Se poserait dès lors l’épineux
problème de son transfert vers la cathédrale de la Almudena, comme
l’envisagerait la famille et ce, contre l’avis général de l’archevêque de
Madrid, du gouvernement, de la délégation gou- vernementale de la capitale,
ainsi que des organisations mémorielles, des partis po- litiques de gauche et
autres collectifs des droits de l’homme. Ces derniers considèrent que la
dépouille de Franco doit être entre- posée dans le cimetière du Pardo, dans la
banlieue madrilène, où se trouve un caveau familial où repose sa veuve.
Quoi qu’il
advienne, les obstacles de ces dernières années en disent long quant à la
difficulté de défrancoïser l’Espagne. «Il s’est instauré un modèle d’impunité
pénale pour les assassins et les tortionnaires franquistes. Le pouvoir
politique n’a pas été non plus revu, tout comme le statut social et économique
de certaines familles, dont les Franco, ainsi que les bénéficiaires de la
dictature. L’indice économique est l’Ibex 35 (l’équivalent du CAC 40 en France
– NDLR). Des 35 entreprises cotées en Bourse, une trentaine ont tiré pro- fit
de la dictature, en réduisant au travail d’esclave des milliers et des milliers
de républicains. À ce non-travail de mémoire, il faut
ajouter des
politiques actives d’oubli, et de soutien au système d’impunité hérité du fran-
quisme. C’est l’une des colonnes centrales de l’actuel régime établi en 1978 »,
selon le pré- sident des Forums pour la mémoire. Un silence de plomb qui
arrange les affaires des Franco et consorts.
CATHY DOS SANTOS
Franco, esta momia que vive en España.
La corte suprema debe decidir sobre la exhumación de los
restos del dictador, que aún se encuentran en el Valle de los Caidos, un
monumento a la gloria del franquismo.
"Existe un modelo de impunidad criminal para los
asesinos y torturadores de Franco".
ARTURO PEINADO PRESIDENTE DE LA FEDERACIÓN ESTATAL DE FOROS POR
LA MEMORIA
Le dijeron que sí a la momia. Los nostálgicos del franquismo
no son los únicos que se refugian en los restos de Francisco Franco almacenados
en la basílica ubicada en el corazón del Valle de los Caidos (el valle de los
que han caído). Algunos incluso se casan en este gran monumento, sin embargo,
un símbolo de una dictadura que España aún no ha logrado resolver, cuatro
décadas después del regreso de la democracia. La gigantesca cruz, de 150 metros de altura,
que domina un monasterio benedictino y el lugar de culto excavado en la colina
de la Sierra de Guadarrama, todavía es visible desde la carretera, al noroeste
de Madrid. Su construcción dictada por orden del satrop comenzó después de la
guerra (1936-1939). Piedra tras piedra, miles de presos políticos esclavizados
construyeron este complejo cuya única ambición era consagrar el
nacional-catolicismo que aplastó a la segunda República española. Para coronar
el cinismo, los entierros de José Antonio Primo de Rivera, el fundador de Falange,
y Franco, después de su muerte en 1975, se almacenan junto a miles de españoles
torturados, asesinados, arrojados a fosas comunes y luego recuperado para ser
enterrado junto a su verdugo. Más de 33,000 republicanos, pero también
"mártires y héroes de la cruzada" iniciados por los nacionalistas en
1936 enredados en este siniestro lugar, todavía activos y mantenidos gracias al
dinero del contribuyente. Es impensable en otros lugares, pero en España es
casi intocable. Desde 2004, los diversos gobiernos socialistas han tratado de
abordarlo. En vano. El presidente del ejecutivo saliente, Pedro Sánchez, hizo
de la exhumación del dictador y la transformación del "Valle" en un
lugar de memoria una de sus medidas emblemáticas. Pero de nuevo, no sin maldad.
"Recuperar la memoria histórica de los antifascistas"
Es el 24 de septiembre que la Corte Suprema debe dar su
respuesta definitiva en cuanto a la transferencia o no de los restos del
tirano, después de años de dilación y polémicas que revelan el trabajo no
conmemorativo de los treinta y nueve años de reinado. del general. En junio, el
tribunal decidió posponer
"Preventivo" a su decisión de
"investigar" una apelación presentada por la familia de Franco, así
como otras tres entidades (la Fundación Francisco Franco, la comunidad
benedictina de Cuelgamuros y la asociación de defensa del Valle de los Caidos).
). "Lamentable", dice Arturo Peinado, presidente de la Federación
Estatal de Foros de Memoria, una organización creada en 2004 "con el
objetivo de recuperar la memoria histórica de los antifascistas que lucharon
por la República y por para terminar definitivamente con la impunidad de los
crímenes franquista ". "Esta decisión es tanto más lamentable",
insiste, "que durante décadas los tribunales españoles no han dicho nada
sobre las víctimas del régimen de Franco.
Por el contrario, han impedido los derechos de sus familias
y el trabajo que hemos emprendido. ¿Cómo es posible que la familia de Franco
pueda paralizar tal proceso? Estas personas tienen equipos de abogados gracias
a una fortuna que robaron a los españoles durante el dictado. A sus ojos, la
exhumación de Franco "es una cuestión vital para la democracia
española". "Es un enfrentamiento. ¿Quién está ordenando en España?
¿Los abogados de la familia de Franco que paralizan los tribunales o el gobierno
y el parlamento? "Pregunta Arturo Peinado. El 24 de agosto de 2018, el
ejecutivo aprobó un decreto que estipula que el cuerpo de Franco debería ser
exhumado para fines del mismo año. En septiembre, fue el Congreso de los
Diputados el que votó 172 votos a favor, 2 en contra y 164 ausencias del
Partido Popular (conservadores) y Ciudadanos (ultraliberal).
Transfiere los restos del Caudillo, pero ¿a dónde?
Pero los herederos del dictador han tratado de tropezar con
este proyecto de quince años. Son ellos quienes, en caso de exhumación, podrían
decidir el próximo lugar donde se enterrará al Caudillo. Entonces surgiría el
espinoso problema de su traslado a la Catedral de la Almudena, como lo
contemplaría la familia, en contra de la opinión general del Arzobispo de
Madrid, el Gobierno, la Delegación gubernamental de la capital, así como
organizaciones conmemorativas, partidos políticos de izquierda y otros grupos
de derechos humanos. Estos últimos consideran que el cadáver de Franco debe
almacenarse en el cementerio de Pardo, en los suburbios de Madrid, donde hay
una bóveda familiar donde descansa su viuda.
Pase lo que pase, los obstáculos de los últimos años dicen
mucho sobre la dificultad de defraudar a España. "Ha habido un modelo de
impunidad criminal para los asesinos y torturadores de Franco. El poder
político tampoco fue revisado, al igual que el estado social y económico de
ciertas familias, incluido el Franco, así como los beneficiarios de la
dictadura. El índice económico es Ibex 35 (el equivalente del CAC 40 en Francia
- Ed). De las 35 compañías que cotizan en el mercado de valores, unas 30 han
aprovechado la dictadura, reduciendo a miles de miles de republicanos a mano de
obra esclava. En este trabajo sin memoria, tienes que Agregar políticas activas
de olvido y apoyo al sistema de impunidad heredado de Francia. Este es uno de
los pilares centrales del régimen actual establecido en 1978 " , según el
Presidente de los Foros de la Memoria. Un silencio principal que resuelve los
asuntos de Franco y otros.